La série des huit images est indissociable. Elle fonctionne sur sa latéralité selon un mouvement qui suit le courant de l’eau de l’amont vers l’aval. Pour cela, les photographies se placent, ordonnées, les unes à côté des autres pour une lecture transversale (à la manière d’un travelling fragmenté). Elles se composent d’un fond sans horizon dont la surface de l’eau plein cadre est également celle de la surface sensible du papier photographique. Le format à l’italienne accentue la circulation gauche-droite ou droite-gauche et s’accorde avec les cadres suivants pour une continuité de lecture.
Chaque image comprend une organisation arborée différente, sorte d’écran entre l’observateur et l’eau formant une grille végétale, un squelette en berne qui renaîtra de sa situation particulière, pieds dans l’eau. Tels des paysages intermédiaires, rien n’est finalement acquis que l’interprétation out situ qui redistribue le réel comme une mécanique arrêtée dans des tableaux-écrans qui seraient le réceptacle de notre pensée : grille de lecture ou sorte de miroir opaque, in fine anti-narcissique, juste pour nous renvoyer à une forme de réflexion sur nous-mêmes, entre héritage culturel et comportement individuel.
La relation à l’image photographique induit la reproduction d’un réel ramené à l’intimité d’une géographie. Ma géographie intime, issue d’un parcours personnel marqué par le rythme des marées et ses circulations (allers et retours/flux et reflux/sens des courants, etc…), engendre des images de paysages localisés, singuliers, à forte tendance maritime comme identité territoriale. La frontière aléatoire imagée de nos cheminements se superpose sur la réalité intrinsèque de la frontière instable et fragilisée de nos continents.
Les dispositifs mis en place avec mes images sont, la plupart du temps, basés sur des petites fragmentations du réel (paysages de proximité), extrait de leur contexte pour recomposer une figuration plastique tandis que dans leur environnement naturel, ils n’existent plus. En cela, on peut inventer un mode compensatoire, si ce n’est rédempteur, dans une forme artistique à partir de l’idée de la perte, de la disparition; une sorte de dérive à la fois physique, dérives des continents, et mentale à travers le déplacement d’un réel absolu vers sa représentation transcendantée.