Chemins de littoral

 

Chemins de littoral
par Thierry GIRARD

 

 

Les photographies de Brigitte Olivier ne nous disent presque rien du monde. Ou si peu. Des histoires d'eaux et d'herbes mêlées dans des paysages que l'on devine austères et peu spectaculaires. Il n'y a pas de raison géographique à ces images dont on ne peut même pas dire qu'il s'agit de paysages ; ou alors, appelons-les paysages intérieurs ou "paysages génériques".
Brigitte Olivier s'est soumise à cette confrontation critique et nécessaire entre l'expérience, la mémoire et le territoire de l'enfance afin de retrouver et d'interroger, dans un lieu chargé d'affectivité, l'origine de son regard. Ou pour reprendre la belle expression de Francis Ponge, "la façon du regard". Retrouver cette expérience fondatrice, cet apprentissage du monde à travers toute une suite de ravissements, de saisissements et de sensations pleines de petites peurs et de grands plaisirs, qui déterminent à jamais notre façon d'être et de voir. Nous sommes faits de cette genèse-là, de ces visions héritées de l'enfance et que parfois trop de savoir-faire - le "bien photographier" - et la mémoire oublieuse effacent peu à peu.
C'est aussi un signe de maturité que cette capacité à mettre à vif les principes génériques de son regard en essayant de faire vibrer avec un appareil posé à hauteur d'enfance un presque rien qui "n'intéresse pas les grandes personnes", mais qui dit de façon tellement juste la relation essentielle qui se noue alors entre soi et le monde.
Et pour parfaire la beauté du geste, Brigitte Olivier chemine sur son territoire avec à ses côtés un autre enfant, sa petite fille, pour l'inviter à inventer ses propres visions et lui transmettre, en ce "paysage-nid", du savoir et de l'amour, ce qui est à peu près la même chose.

 

Prix Paysages européens 1995